mercredi 20 juillet 2011

"Morts pour la patrie" disait le petit homme en noir...

Le petit bonhomme tout de noir vêtu traverse le grand espace en dodelinant du chef. Il est nerveux, ses tics le rongent, le clapotis de ses talonnettes le précède… Petit coup de tête sur la droite, sur la gauche… Ses épaules tressautent dans un mouvement désordonné qui lui échappe. Devant lui, 7 cercueils… Sonnerie aux morts, il se recueille les mains jointes à plat sur son bas ventre… Il se contraint, se sermonne à rester calme. « calme… détendu… Respire, c’est ça, respire lentement… Non, pas les yeux ! Non ! Pas la bouche ! Non ! Pas la tête ni les épaules, alouette ! » Le silence de nouveau. Il s’approche du pupitre de nylon translucide. S’en saisit des deux mains. De sa bouche ouverte en sortent des mots…

 « Morts pour la France. Morts libres ! Vous n’êtes pas morts pour rien. Sacrifiés pour une grande cause ! Pour une guerre juste, Vous avez vécu et êtes morts en hommes libres… »

 Et puis une petite voix s’élève d’entre les gouttes de pluie qui tombent dru au milieu des baïonnettes dressées, viriles, drues elles aussi… « Oui, mais non, on est mort mon président et nous n’en demandions pas tant, juste de vivre encore un peu ? »
Le chenu sursaute ! Qu’est-ce à dire ou à entendre ? Il se ressaisit.

- Vous n’allez pas chipoter tout de même ! Morts pour la patrie ! Pour la France !
- Hein ? Heu, non ? Pour l’Amérique un peu, non ? Pour la grande finance ? Pour les pétroliers mais certainement pas pour les Français ? Y s’en foutent les Français, ils n’ont pas demandé à ce qu’on y aille ? Combien coûte par jour cette guerre d’intérêts et de gros sous à la France en crise mon président, à la France des petites gens, de nos ouvriers des usines et nos petits commerçants ? Vous savez ? Non, pas ceux qui roulent en 4x4 ! Les autres !
- Vous commencez à être énervant, jeune homme ! Vous êtes morts ? Et bien vous êtes morts ! Nous n’allons pas revenir là-dessus ! Vous vous rendez compte de tout ce tralala ? De la musique militaire, des ministres ridicules sous leurs parapluies ? Des limousines qu’il a fallu faire rouler par un temps pareil ? Des rues qu’il a fallu bloquer ? De tout ce temps et cet argent foutu par les fenêtres ? Et moi que je m’ai bougé et qui vous cause ? Et des mots ! Hein ? Les mots qui sortent de ma bouche respectable et résonnent dans cette cour ? C’est pas beau ce son ? Cette réverbération grandiose et émouvante ? Vous avez vécu et êtes mort en hommes libres ? C’est pas un truc fort, ça ? Un honneur ? Une gloire éphémère mais une gloire ! Quoi ! Merde !
- Oui, bien sûr, « libres » mais morts tout de même ?
- Comme vous y allez ? « Morts tout de même ? » Bon, c’est vrai ? Mais entendez comme on parle de vous ? Hein ? Tout ce raffut et ce ramdam ? La UNE de la presse française ! Les caméras du monde entier braquées sur vous ? Et les royalties de toutes ces images revendues aux télés de la planète admirative et subjuguée qui applaudit à grands cris ?
- Monsieur le Président, ce sont les cris de ma femme et de mon dernier qui me dérangent et m’empêchent de m’endormir du sommeil éternel et chiant…

Le petit homme se crispe, se contient difficilement ! Il se reprend.
- Et puis, hein ? Et puis ! C’est pas grâce à moi qu’on va retirer tous les soldats français de l’Afghanistan ? Hein ? Dites ! Hein ? Il n’est pas grand le petit grand homme ?
- Heu… C’est les Américains les premiers, non ? Parce qu’il n’y a plus rien à glaner là-bas ? Et puis, peut-être qu’on n’aurait jamais dû y aller ?
- Vous commencez à me chauffer mon petit ami… C’est qui le président des Français ? C’est qui le seigneur des agneaux ?
- C’est vous mon président, mais combien de morts encore d’ici 2014 ? Combien d’orphelins ? Combien de veuves ? Combien de milliards d’euros à 1,3 million d’Euros par jour pour les petits contribuables français ? 1300 millions d’euros en 3 ans ? Merci pour les impôts à venir ! Et dans l’intérêt de qui ? De quoi ? De quelques-uns ? De toujours les même ?
- Suffit ! Je vais finir par être grossier ! Tu me parles meilleurs et tu te soumets. Si tu voulais pas mourir, fallait pas t’engager !... Ah ! Elle est belle la jeunesse de nos jours !

 Et puis le bruit de la pluie a ramené le petit homme en noir à la réalité et à la réalité de ses tics qui lui échappent, à sons discours et aux baïonnettes ! Aux soldats morts pour la France et à tout ce tralala de flons flons inutiles et vains mais quand il faut y aller, il faut y aller !

Il s'appelle Sarkozi mais il s'appellerait Chirac ou Mitterrand, même combat...

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