mardi 25 décembre 2012

Noël et sans logis...


La voix aigrelette et nasillarde du transistor à 2 euros 50 résonne sous la voûte glacée du pont dont les pierres noires ruissellent une eau croupie. Le vieil homme approche les lambeaux de ses mitaines mitées plus près de la flamme de la bougie qui vacille au courant d'air insidieux qui siffle. Il racle le fond de sa boite de petits pois. Ils fuient les pointes tordues de sa fourchette d'aluminium ancien. Le transistor crachote et siffle des choses invraisemblables !

"Cette année plus que jamais, le chapon et autre dinde sont à l'honneur sur nos tables malgré leurs prix en augmentation... Foie gras frais... Saumon fumé... Bûches flambées, Champagne et autres spiritueux de luxe des fêtes et commémorations."

Il se verse les dernières gouttes de la piquette aigre de son vieux rouge qui tâche en bouteille de plastique.

"Un repas de fête pour moins de 15 euros par tête" vante la radio d'état. "Les plus grands chefs au service des gourmets de France et de Navarre. À la disposition des presque pauvres, des démunis moyens...

Un hoquet de rire nerveux secoue le vieillard... Il rote et ça lui brûle la trachée. Pas de médoc anti brûlures d'estomac pour les sans-abris, pour les habitants des cartons. De toute façon, pour ce qu'ils mangent ?

"Le Français moyen plus que jamais et malgré la crise, dépensent plus que jamais pour ces fêtes de fin d'année ! 650 euros en moyenne par habitant"

Le miséreux se gratte l'entre-jambes, une puce ou un morbac sans doute... Et cet ultime petit pois qui se rebiffe ! Tout cela le laisse songeur.

"Les exilés fiscaux se ruent à la frontière belge, empressés de mettre à gauche leurs impôts surnuméraires... Les demandes s'ajoutent aux demandes... Plus ils sont riches et plus ils sont pressés et exigent des passe-droits." Et pourtant

Une femme en détresse appelle le "Téléphone sonne" : "Vous comprenez bien que ça fait quinze ans que nous avons de l'épaule d'agneau à tous les repas de Noël et qu'à force ça va bien ? Comment pourrais-je convaincre ma mère de nous faire enfin manger de l'oie ? !..."

Le miséreux frigorifié se gratte une couille l'air de ne pas y penser ou y croire. Il se demande vraiment à quoi ça peut bien ressembler un riche ? Juste à un pauvre en mieux habillé et rasé que lui ? Il a une maison ? Oui, bon, d'accord, quelle différence entre un toit ou la voûte crasseuse et humide d'un pont ? Un peu de chauffage peut-être ?


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